La journée avait été longue pour Will et elle était encore loin d'être terminée, il le savait. Aujourd'hui, il avait enchaîné entre son petit boulot de journaliste où il avait mené l'interview d'un entrepreneur du coin qui pensait pouvoir se présenter aux prochaines élections ; ses études de restaurateur où il avait du terminer son projet sur lequel il travaillait depuis quelques semaines ; pour finir, il était rentré au camp des demis-dieux pour travailler un peu avec ses pouvoirs. Il pouvait être assez fier de lui : il arrivait à gérer ces trois facettes de sa vie sans trop de problème et faisait même des progrès dans les deux dernières. Son petit boulot n'était, au fond, pas très important pour lui si ce n'est qu'il payait ses études ; en fait, il avait juste pris ce job parce qu'il n'était pas trop compliqué, les horaires étaient assez flexibles et parce qu'il n'avait pas besoin d'être proche de ses "collègues".

La fatigue commençait à se ressentir mais William savait qu'il pouvait lutter contre elle encore un bon moment ; de toute façon, il avait encore bien d'autres choses à faire avant d'aller piquer un somme dans son confortable lit au complexe. Pris d'une envie soudaine, il décida de passer voir au terrain d'entraînement, du côté des fils de Poséidon, pour voir si Chris, son meilleur ami et colocataire était encore là et s'il voulait rentrer avec lui. On lui apprit qu'il était déjà retourné au complexe après une longue matinée à se défouler sur les mannequins et Will ne put retenir un soupir ; un jour, il aimerait vraiment que son ami puisse exprimer sa peine et sa colère autrement que par des coups sur ses sacs de paille. Enfin, ce n'était pas la première fois ni la dernière que notre fils d’Héphaïstos se faisait la remarque ; après tout, Christopher était pour lui une source d'inquiétude perpétuelle, mais d'une inquiétude amicale, pas assez encombrante pour qu'elle les dérange tous les deux dans leur cohabitation.

D'un pas décidé, il se dirigea alors vers leur refuge, leur petit logement qu'ils partageaient. Les chaussures de Chris se trouvaient dans l'entrée ; il était donc bien rentré et s'il s'était autant fatigué que ce que les autres lui avaient rapporté, alors il devait être en train de dormir pour récupérer. Sur la pointe des pieds, William se dirigea vers la chambre commune et constata avec un léger sourire que son ami était bien là, allongé ou plutôt aplati sur son lit, son souffle léger ne troublant pas la sérénité des lieux. Lentement, il referma la porte, pour le laisser se reposer en paix et partir toujours aussi silencieusement vers la cuisine : son estomac criait famine et il avait une envie de gâteau au chocolat depuis quelques jours.

En essayant de ne pas troubler le sommeil de son colocataire, il sortit les différents ustensiles et ingrédients dont il avait besoin et commença sa préparation en chantonnant légèrement. Will repoussait sans cesse ses mèches brunes qui ne cessaient de lui revenir dans les yeux et les chassa une bonne fois pour toute derrière ses oreilles en se mettant de la farine un peu partout dans les cheveux. Soudain, une voix rompit le silence dans lequel était plongé le petit appartement.

« Will ? T’es rentré ?! »

Le remue-ménage dans la cuisine avait dû le tirer de son sommeil. Ou alors, c'est qu'il dormait depuis bien plus longtemps que ce qu'avait imaginé Will et qu'il avait donc déjà récupérer ses forces.

« Dans la cuisine Chris ! »

William se doutait que son ami n'allait pas tarder à le rejoindre et il se dépêcha donc d'enfourner son gâteau, pour qu'ils aient le temps de le manger ensemble avant que l'un d'entre eux ne retourne vaquer à ses occupations habituelles. Sur le plan de travail traînait toujours les ustensiles utilisés, mais Will les mit sur le côté pour que Christopher puisse se poser tranquillement, sans être gêné par tout ce bazar. Même s'il n'était pas forcément beaucoup plus ordonné que lui, le fils d’Héphaïstos avait toujours un peu honte de montrer ce côté imparfait de lui-même, alors que cela faisait des années qu'ils vivaient ensemble maintenant.

« J'ai fais un gâteau au chocolat, j'espère que tu as faim. Sinon, t'en pis pour toi, ajouta-t-il à l'adresse de son compagnon. »

Du bruit se fit entendre dans la chambre commune ; Chris devait s'être retourné sur son lit et devait se préparer mentalement au fait de décoller son corps de son lit confortable. Will connaissait bien son colocataire depuis le temps ; ses mimiques, ses petites manies, tout ce qui faisait de Christopher cet être unique que William appréciait tant. Enfin bon, il est vrai que cela faisait un bout de temps qu'ils habitaient ensemble et encore plus de temps qu'ils se connaissaient ; le fils d’Héphaïstos avait eu tout le temps de l'observer & de l'analyser à son gré, comme il faisait pour toutes les personnes qu'il jugeait un minimum intéressantes. Il savait aussi que Christopher avait aussi fait de même ; il savait qu'il n'aimait pas parler de sa famille, qu'il ne bavardait beaucoup qu'avec certaines personnes ou encore qu'il ne jurait que par les sucreries. Les deux amis étaient proches et ce depuis toujours ; William aimait penser que cela durerait, peut-être pas toujours, mais du moins plus longtemps qu'avec Léandra.

Interrompant ses pensées qui dérivaient vers son ancienne camarade, il secoua sa chevelure en tentant de faire tomber la farine qui se trouvait dedans et commença la vaisselle ; il avait encore un peu de temps. Chris n'était pas du genre à se lever directement, c'était un oiseau de nuit, une marmotte, le tout réuni dans un corps de demi-dieu. Un air assez connu lui vint en tête et Will se mit à chantonner, de bien meilleure humeur qu'avant d'arriver à la maison. C'était comme ça, quand il était ici, dans son refuge, avec son meilleur ami alors plus rien ne l'atteignait ; il savait à quel point le bonheur pouvait être simple mais surtout fugace ...

« J’arrive hein ! »

Comme s'il avait besoin de se justifier ... Il soupira, mais un léger sourire retroussait ses lèvres ; après tout, ce côté si innocent, si enfantin qu'il trouvait parfois chez Chris était assez touchant et lui prouvait que son ami tenait à lui. Le four se mit à sonner, signe que le gâteau était cuit ; sans attendre, Will abandonna la vaisselle, et sortit la pâtisserie pour la démouler dans une assiette ronde. C'est à ce moment qu'entra son colocataire, un petit sourire aux lèvres, comme pour camoufler le fait qu'il était encore dans les vapes. Ses cheveux blonds étaient encore en bataille et ses yeux bleus étaient encore embués par le sommeil ; heureusement que Will avait l'habitude, sinon il n'aurait pas forcément reconnu l'habituel Christopher, si soigné.

« Hey Willy ! Bien sur que je veux du gâteau, quelle question ! Je meurs de faim, tu peux pas savoir. Donnes en un groooos bout s’te plait ! »
- Ça va, ça va, j'ai compris, je te sers tout de suite. Fais attention, il est encore brûlant ! »

Le comportement de son colocataire le fit sourire ; il fallait l'avouer, Chris savait être extrêmement mignon et attachant. Même s'il avait parfois l'impression d'avoir affaire à un enfant, William savait très bien qu'il ne le faisait pas exprès : il était comme ça, c'était sa façon à lui de montrer son affection. William repoussait tellement les gens qu'il ne savait même plus comment leur prouver son attachement, alors il enviait particulièrement ce côté de la personnalité de son ami. Il découpa soigneusement le gâteau, le servit et souhaita un bon appétit à son ami.

« Tu as fais quoi de beau aujourd’hui sinon ? T’étais pas à la maison quand je suis rentré.
- Oh, j'ai pas mal bossé en fait ... J'ai passé une grande partie de ma journée à Incheon, puis je suis rentré m'entraîner. Je suis passé à ton terrain, mais on m'a dit que tu étais déjà rentré et quand je suis arrivé, tu dormais déjà. Et toi, t'as passé ta journée à t’entraîner ? »

William connaissait déjà la réponse ; oui, parce qu'il avait besoin de se défouler. Cela ne l'empêchait pas de lui poser à chaque fois, comme s'il attendait de son ami une réponse beaucoup plus fantaisiste du genre "Non en fait,j'ai passé ma journée à jouer avec des licornes multicolores", ce qui est bien sûr totalement impossible, tout comme le fait que Chris n'aille pas s’entraîner.

« Tu voudras peut-être boire quelque chose ? Comme je te connais, tu as dû aller te coucher directement sans passer par la cuisine ... »